Mémé délire, Mémé écrit

Textes du 5 Novembre 2015

Lipogramme sans « t » (santé)

Sans vie, il s'écroule sur le sol, les yeux dans le vide. Raide comme un pic, la forme l'abandonne avec les maux dans son corps, les maux dans son unique jambe.
Son corps vide lui aussi de vie, de vie si cher, si précieuse. Le sourire perdu dans le chaos de l'univers immobile il pense, peuple ses souvenirs de brèves images inoubliables, consonne après consonne, une voyelle crée un son.
Inoubliable mais oublié un jour, un jour viendra où personne ne se souviendra qu'il aura parlé au plus démunis. Aujourd'hui seul, la vie l’a abandonné, lui devenu rien dans le coeur de personne, lui qui s'efface pour revenir un jour, lui qui aura aimé sans mesure, lui qui s'évanouira dans la brume de la vie, écroulé sur le sol, de sa bouche mi-close s’échappe un adieu inaudible.

Décrire un lieu dans lequel on se projette au présent. Dans ce lieu un souvenir resurgit (passé) puis basculer l’évocation du passé au présent.

La ruelle est devant moi, grise et déserte à présent.
De l'eau s'échappe de leurs fissures comme s'ils pleuraient leur abandon en versant des larmes de désespoir. Tout est gris, tout est morne, tout est silence.
Je les entends, ils pleurent douloureusement. Le vent s'engouffre dans ce labyrinthe, orphelin, sans que rien ne vienne le freiner. Lui, se défile, eux, s’immobilisent.
Il n'y a plus un chat, plus âme qui vive. Les étales des commerçants sont en berne, endormis à tout jamais. Les vitres des fenêtres fêlées, la rouille suspendue aux poignées, comme le temps suspendu à nos souvenirs. Plus personne ne balaie devant son commerce et les gravillons dansent joyeusement au rythme du vent sur les pas de porte.
Je ne reconnais plus rien où sont donc passés tous ces gens qui envahissaient cette ruelle, les voix qui animaient les lieux se sont éteintes en même temps que la poissonnière qui s'égosillait pour attirer le chaland avec ses poissons frais.
Le vendeur de journaux se faufilait à travers la foule tel un athlète, pour y déposer les dernières nouvelles du front.
Moi aussi je la sens cette foule accrochant les capes des uns et les châles des autres. Je me glisse à travers les gens, piétinant sabots et souliers.
Marlène, son fichu mauve sur la tête et son tablier solidement louer autour de sa taille, de l'autre côté. Elle m'attend scrutant la masse humaine, inquiète, me devinant perdue.
Elle me voit, elle lève les bras, s'avance, poussant des coudes ces hommes et ces femmes se ruant vers la grande place. Pour rien au monde ils voulaient rater le discours annonçant la fin prochaine de la guerre qui nous a privé de nos proches pendant si longtemps.
Le bruit assourdissant des pas impatients résonne violemment dans la tête, ma vue se brouille et mon coeur palpite. Je suis essoufflée. Marlène m’enlace de ses bras potelés et m'extirpe avec douceur de ce cauchemar.
Je perçois un nuage de bonheur qui illumine soudain son visage aux traits tirés.
J'ai froid. Je tremble. Une goutte de sueur perle sur ma tempe. Je me réveille devant le silence palpable de la ruelle, immobile. Les murs gris imposent leur autorité et m’invitent à faire demi-tour. La ruelle est morte, elle a emporté une partie de ma vie mais mes souvenirs restent intacts.




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